Bonjour Charlotte, peux tu nous présenter ton parcours professionnel ?

J’ai fait un Bac STAV, puis j’ai enchaîné avec un BTS Productions animales, avec option élevage bovin lait.

Qu’est-ce qui t’a motivée à emprunter cette voie? Quelles étaient tes ambitions ?

Je voulais bosser dans le milieu équin car j’adorais les chevaux et je montais à cheval, puis quand je me suis renseignée sur les différents métiers possibles, finalement le choix était restreint, et connaissant la mentalité dans ce milieu là, j’ai laissé tomber.
Ensuite je voulais faire vétérinaire car j’aime beaucoup les animaux, donc à partir de mes 16 ans je passais tous mes temps libres chez un “vieux” véto qui m’a appris les bases , c’est là que je me suis formée sur le tas en tant qu’ASV (Assistante Spécialisée Vétérinaire). J’ai pu, grâce à lui, faire des remplacements en tant qu’ASV dans différentes cliniques en parallèle de mes études.

Par la même occasion, je me suis rendue compte que le métier de vétérinaire n’était pas celui que je pensais, le but n’est pas de soigner les animaux mais de faire du chiffre c’est un business !
Ensuite ma meilleure amie m’a emmenée dans le Jura quand j’avais 18 ans, chez un éleveur laitier de vaches montbéliardes, et ça m’a énormément plu, on y allait à chaque vacances pour faire du woofing c’était génial !
J’ai donc fait un BTS dans l’élevage laitier car ça me plaisait beaucoup. Je savais que je voulais bosser là-dedans ,je me disais ,venant de Paris, que je serai soit salariée dans une exploitation, soit je rencontrerais un agriculteur (le pourcentage de chance était infime ) et je deviendrai agricultrice ! Et ça a été le cas,c’était mon destin !

Qu’aimes-tu dans ce métier, qui te rend heureuse de l’avoir choisi?

Ça fait 6 ans que je travaille avec mon mari et ses parents. Dans ce métier, j’aime le contact avec les vaches et veaux, j’aime la gestion du troupeau, les soins, le quotidien, j’adore traire et surtout voir les résultats de notre gestion de l’élevage que nous avons énormément améliorée depuis 6 ans, et ce n’est pas fini ! Je pense vraiment avoir trouvé ma voie.

Quelles sont les difficultés que tu rencontres, ou as pu rencontrer, dans ton quotidien? As tu connu des désillusions?

Alors ! La découverte du monde agricole ! Je me suis pris une claque ! Moi qui ai été élevée dans l’amour et la compassion, j’ai découvert l’opposé et j’en souffre encore. Extrêmement dur, et je le vis encore mal parfois, ça a été très très dur avec mes beaux-parents (surtout mon beau-père…) déjà une femme, je viens de Paris (double tare), j’ai des connaissances de par mes études, et je viens d’un milieu aisé. Ces quatre points m’ont mis des bâtons dans les roues car mon beau-père, de la vieille école ne m’a pas acceptée, et c’est encore difficile maintenant.
Les désillusions ont été que tu bosses comme un malade et que tu ne peux pas te verser un salaire réellement décent, on y vient heureusement mais tous les jours, me dire que je vends du lait à lactalis entre 34 et 38 centimes du litre, alors qu’en magasin tu le retrouves à + d’1 euro je le supporte de moins en moins, on nous prend pour des cons, un élevage laitier représente tellement de boulot en général les gens lambda ne voient que la traite des vaches, mais ça ne représente qu’un dixième du travail, toute la gestion autour est phénoménale, il faut savoir gérer une entreprise !

Que penses-tu qui pourrait être fait pour y remédier ?

Mon mari et moi pensons, dans les années à venir, trouver un autre moyen pour commercialiser notre lait en le valorisant, et que notre travail soit rémunéré à sa juste valeur.

Quel est ton ressenti actuel concernant ton métier ?

Mon ressenti est que le monde agricole va mal, car nous sommes sous les directives des industriels, on a perdu notre pouvoir. On ne gère ni nos cours de productions, ni nos prix de vente.
Qui travaillerait sans savoir ce qu’il va toucher à la fin du mois ? Les grands groupes comme la FNSEA qui sont censés nous soutenir ne sont là que pour s’engraisser sur notre dos, c’est une honte!

Que dirais-tu à l’enfant que tu étais, si tu te trouvais face à elle?

Je lui dirais que la vie est rempli d’embûches, qu’il ne faut surtout pas écouter les adultes, qui pensent mieux savoir que nous ce que nous voulons dans notre vie,et surtout suivre ses envies, vivre ses expériences, écouter son “moi” et son âme intérieur, ne pas se laisser décourager, aller dans la nature, s’émerveiller d’un ciel rose ou d’un arbre en fleurs, écouter le bruit des oiseaux et ressentir le vent qui passe sur nos joues. C’est ça la vie, ce n’est pas la course au pognon, ni vouloir écraser l’autre. Ne pas se laisser berner par une société individualiste ou c’est chacun pour sa poire. Il faut se soutenir.

Un grand merci à toi Charlotte !

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