Bonjour Aurélien (*) Peux tu nous présenter le métier que tu exerces ?

Je travaille dans l’administration pénitentiaire pour une société privée. Je m’occupe de faire travailler les détenus qui ont été condamnés pour des peines inférieures à 3 ans, et qui ont besoin d’avoir un peu d’argent pour pouvoir vivre décemment leur détention. C’est également un moyen pour eux d’obtenir des RPS : Remises de Peines Supplémentaires.
Ça consiste à leur apprendre à travailler avec leurs mains, pour certains avec leur tête. Ça leur apprend la rigueur, pas mal d’autres choses, pas pour tous. C’est un métier polyvalent, intéressant, pas monotone, mais avec des contraintes administratives.
Je suis en relation directe avec les clients et les détenus. Je vois avec les clients ce qu’il y a à faire, puis je transmets cela aux détenus afin de pouvoir livrer le client.

Qu’est-ce qui t’a motivé à emprunter cette voie? Quelles étaient tes ambitions ?

J’étais livreur et ai été mis en contact par hasard avec mon employeur. Je voulais changer de travail, cela tombait bien.

Qu’aimes-tu dans ce métier, qui te rend heureux de l’avoir choisi?

La facilité, car il suffit d’être un peu assidu, et les horaires qui me laissent du temps pour m’occuper de ma famille.

Quelles sont les difficultés que tu rencontres dans ton quotidien? Connais tu des désillusions?

J’ai parfois des détenus qui ne veulent pas fournir l’effort demandé, qui ne souhaitent que des remises de peine. Donc il faut être constamment dans la surveillance.

On place également parfois de la confiance en certains gars, qui semblent faire des efforts, ont des qualités, mais nous déçoivent lorsque l’on se rend compte qu’ils sont simplement un peu plus malins que les autres pour obtenir ce qu’ils souhaitent.

Que penses-tu qui pourrait être fait pour y remédier ?

C’est compliqué. Quoiqu’il arrive, les pénitenciers doivent faire leur peine. Donc mis à part la menace pour les priver de cette possibilité de venir à l’atelier pour obtenir leur RPS, je n’ai pas beaucoup d’autre levier.

Quel est ton ressenti actuel concernant ton métier ?

Je pense qu’il n’a pas énormément d’avenir, car c’est trop ficelé par l’administration pénitentiaire qui souhaite accorder les mêmes droits aux détenus qu’à des salariés du privé classique, alors que ce sont des détenus qui doivent purger une peine.

Les entreprises viennent donc profiter de cette main d’œuvre moins chère, sauf que les partenariats vont finir par disparaître car on nous oblige à payer les détenus de plus en plus cher, ça devient de moins en moins rentable.
L’arrivée du virus de la covid n’arrange rien, car nous sommes fréquemment obligés de fermer l’atelier… personne ne meurt, personne n’est malade, mais tout le monde doit arrêter de fréquenter tout le monde… Ces fermetures nous paralysent.

Que dirais-tu à l’enfant que tu étais, si tu te trouvais face à lui?

Bosse à l’école, car sans cela tu n’auras pas beaucoup de choix dans ton avenir professionnel.
Mais garde confiance en toi et en l’humain, car ça finira par payer. Reste le même, ris de tout, aime les gens même si parfois tu seras déçu.
Mais à bien y réfléchir, je ne souhaiterais pas m’influencer.

Quel message souhaites-tu transmettre à ceux qui te lisent ?

Ne croyez pas que vous êtes seul ou isolés, que penser différemment c’est dangereux. Il faut oser ses opinions, avoir confiance en soi, se battre pour tout ce qu’on est.

Il faut vivre et profiter vraiment de l’essentiel, des personnes qu’on aime, on ne le dit jamais assez. Ne vous embêtez pas avec des futilités, car le temps est précieux.

Un grand merci à toi Aurélien (*) !

(*) nom d’emprunt

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